LA RESISTANCE

LA PREMIERE EXPOSITION LIBRE DE THELEME

La guerre n’est plus celle des canons et des fusils. La guerre n’est plus celle des chars et des bombes. La guerre n’est plus celle des cris et des corps. La guerre est aujourd’hui celle des esprits. Qui de nous ou de l’ennemi sera le premier à fléchir ? Sans une once de fatalisme, j’admets que nous en sommes les grands perdants. La guerre de l’esprit est insidieuse, sournoise et indolore. Elle se faufile dans l’intimité de nos conversations, au creux de nos pensées, fantôme de nos cauchemars et ombre de nos rêves. C’est le mot, rêve. Il nous faut rêver. Rêver l’avenir. Rêver un monde meilleur. Rêver la liberté. Aujourd’hui, la jeunesse rêve ses chaînes. Ou plutôt les cauchemarde ? Non, ce serait accorder trop de crédit à notre libre-pensée. Il n’y a plus de rêves ni de cauchemars ici, il n’y a que Thélème. Mais je ne suis pas ici pour vous écrire mes sombres pensées, car l’espoir pointe. Je crois qu’il reste des personnes qui rêvent. C’est donc d’une écriture tremblante et d’une voix vibrante d’émotion que je vous annonce la première exposition de la France libre.

A l’origine, la résistance a commencé avec un petit groupe de hackers cherchant les failles de Thélème, créant des bugs pour ralentir l’inexorable progression du général Torres et de ses armées. Puis, le mouvement a évolué. Il a mûri. Nous ne sommes plus un groupe éclaté aux actions éparses. Nous nous sommes rendu compte de l’importance de la « guerre des esprits ». Il nous faut nous libérer et libérer la population en commençant par briser le contrôle qu’a le gouvernement sur nous. C’est sur les fondements de cette réflexion que nous avons monté le projet de cette exposition. Grâce à notre équipe de hackers, nous avons débloqué des espaces secrets, au détour d’une cabine de téléportation ou d’un bureau relai… Sur le modèle de la fameuse exposition de 1932 organisée par le digital art museum de Tokyo en collaboration avec Ubisoft, nous avons demandé à des digital painters de créer des univers 3D dans ces espaces secrets grâce à la technologie du tilt-brush 4.0 normalement utilisé pour le design de Thélème. Ces salles virtuelles ont été le recueil de l’imagination de quelques artistes engagés autour d’un même thème. Rêver la France libre. Un mantra, lancinant, obsédant qui occupe chacune de nos pensées. A quoi ressemblera le monde demain ? Que ferais-tu si demain tu étais libre ? Trouverais-tu au fond de toi le courage de t’enfuir ? Serais-tu assez fou pour t’engouffrer dans la brèche ? J’aime à croire que la réponse est un oui inconditionnel et sans limite. Mais je sais pertinemment que la réponse est tellement plus complexe. Un régime de terreur nous impose une vérité unique, une idéologie absolue auquel il est presque impossible d’échapper. C’est pourquoi il nous faut combattre la terreur, créer petit à petit des failles dans ce système, pixel par pixel, coûte que coûte, il nous faut nous libérer.

L’objectif de cette exposition est d’autoriser le rêve, de s’autoriser à rêver d’un monde libre. Dans un monde où tout est gris, ces artistes nous autorisent à imaginer la couleur.






NOTES D'INTENTION

Clefa

Jeune artiste formée à l'académie de Thélème, Clefa227 travaille parmi tant d'autres à l'entretien du jeu vidéo. Très vite lassée du travail imposé par le gouvernement, elle s'autorise à créer. Artiste talentueuse et passionnée, elle vous fera découvrir un monde touchant où l'impossible semble à porter de main.

« Je crois que ce qui caractérise pour moi le monde libre est l’inconnu. Je n’ai que très peu de souvenirs du temps d’avant et aujourd’hui il est presque impossible de trouver quoi que ce soit sur cette époque. Alors je ne peux que l’imaginer. L’étroitesse de mon esprit est alors ma seule limite de création. Mais je crois que cette exposition a toujours fait partie de moi. J’ai toujours fantasmé une autre vie sans jamais vraiment comprendre que je rêvais de liberté. Il ne m’a pas fallu très longtemps pour accepter ce projet. Travaillant officiellement pour le régime en tant que designer parmi tant d’autres, la liberté des projets est littéralement nulle. Pourtant, il m’arrivait de faire des designs « défectueux » en glissant des petits objets dans des endroits secrets. Comme une bouteille à la mer je crois. Petit à petit, ces petits dessins qui me permettaient de survivre sous le régime sont devenus ma façon de résister. Comme des petits colis piégés d’espoir, j’aimais laisser des éléments « déviants » derrière moi. Cette exposition est pour moi l’occasion de tout voir en plus grand, d’imaginer un univers complètement autre. Je veux plonger dans un océan de nuages, sentir la brise sur le dos d’une baleine volante ou effleurer les derniers rayons de soleil du fond des océans. C’est tout cela que je veux transmettre. Je veux revenir à l’origine des jeux vidéo entièrement immersifs. Ils n’ont pas été créés comme instruments de propagande ou de manipulation. Il représente pour moi une nouvelle façon d’expérimenter la réalité. Un recueil sans limite de l’imagination humaine. Un refuge à la portée de tous. Et c’est cette volonté originelle que je veux honorer. »

Limev

Limev_ est fils de résistant et passionné de design. Frustré par le monde qui l'entoure, il n'a qu'une aspiration, participer à la Résistance. Pour lui, la libération de la France doit obligatoirement passé par le désembrigadement de la population. Or comme il l'explique lui-même, ce sont les films, les livres, les oeuvres que son père lui a montrés qu'ils lui ont fait ouvrir les yeux. En tant qu'artiste, il est persuadé que son devoir en est de même.

Mon père a intégré la résistance quelques temps après l’instauration du régime de terreur. Lorsqu’il a entendu parler du projet pour la première fois, il a refusé de m’y impliquer. Durant très longtemps, il a été tiraillé entre son engagement pour sa patrie et sa famille. Il avait peur de céder sous la torture. “Tout le monde cède sous la torture” maugréait-il souvent. Je me souviens enfant avoir vu mon père s’éclipser le soir dans son manteau usé que ma mère s’évertuait à rapiécer. Malgré ses craintes, mon père a fini par s’engager. Je crois qu’il pensait à nous, à notre avenir dans ce pays aseptisé, inhospitalier, froid et sans sentiment. Nous n’étions que des enfants lorsque le général Torres a accédé au pouvoir. Je n’ai qu’un vague souvenir de la France Libre. Je me souviens de mes sorties au parc en bas de chez nous, des cris des enfants… Des gens venaient souvent à la maison. Je me rappelle des éclats de rire, des haussements de voix comme des messes basses. Aujourd’hui, personne ne parle ainsi, tout le monde parle d’une voix atone, de peur de se faire remarquer. Ce sont ces petits fragments de mémoire qui constituent le « monde libre » que mon père défend avant tant d’ardeur. Mais pour mon père, qui, lui a connu ce monde-là, l’humiliation de notre défaite brûle encore ses larmes amères. La nation des droits de l’homme s’est fourvoyée. Le régime de Torres n’est pas apparu un beau matin. La population s’est laissé faire, incapable ou refusant de voir ses droits se déliter à chacune des victoires du mouvement Torres. Ils ne nous ont pas arrachés brutalement nos droits, ils se sont sournoisement installés dans chacun de nos organes politiques, proposant d’abord un programme modéré puis grappillant la moindre parcelle de pouvoir que nous leur avons délibérément laissée. Ces regrets hantent les souvenirs de mes parents et je peux voir toute sa détresse à travers son regard perdu dans les vagues. Et tout à coup je ne suis plus moi, je redeviens ce gamin sans défense qui cherche le réconfort de son père. Ce sentiment d’impuissance qui me sert la gorge j’ai décidé d’en faire quelque chose. J’ai décidé de participer à cette exposition pour redonner à mon père l’espoir de voir ma sœur et moi-même grandir dans un monde libre. C’est pourquoi j’ai choisi d’imaginer un monde compliqué, chaleureux, désordonné et bruyant, laids et profondément touchant. Un monde où les gens rient à gorge déployée, haussent le ton quand ils s’emportent et s’échangent des messes basses pour se glisser des mots d’amour.

L'EXPOSITION DU DIGITAL MUSEUM DE TOKYO